SUR LE CHEMIN DE LA RIVIÈRE ROUGE, HARRINGTON
2025

Façonnée dans l’argile cette imposante sculpture est une reproduction à l’échelle 1/2000 de la vallée de Harrington, où j’habite. J’aime penser qu’elle représente ce territoire qui me porte. Et au cœur duquel je suis appelée à m’insérer.
Son aspect dénudé, essentiellement minéral, évoque peut-être le commencement du monde, ou les lendemains d’un grand feu. Le paysage se présente à nous, -comme une page blanche, ou plutôt comme un grand tableau noir-, à un moment décisif où tout est possible.
Ce point de vue d’ensemble cherche d’abord à positionner l’humain au cœur des phénomènes plus vastes qui traversent le territoire et le façonne inévitablement, notamment ceux de l’érosion et du lessivage,… Il invite à se recueillir devant un certain état des lieux, devant le constat d’une perpétuelle fuite des éléments de fertilité, emportés par les eaux de ruissellement vers les océans…
Viennent ensuite des inquiétudes: deux usines siphonnent les nappes d’eau souterraines, de premières cultures de maïs OGM apparaissent, des sablières grugent nos montagnes, des minières convoitent des gisements près des lieux que nous habitons.
Et puis cette maison plantée comme un phare en plein coeur de cette vallée. Une maison invitante où Jocelyne Huneault pratique l’autosuffisance depuis bientôt 30 ans, en cultivant de magnifiques jardins vivriers et en glanant sur sa terre les comestibles indigènes apportées par chacune des saisons.
L’oeuvre s’inspire d’un processus d’échanges et de réflexions portant sur l’aménagement du territoire; d’un élan à s’organiser et rêver ensemble d’une communauté plus autonome. Elle provient de ce désir qui nous rassemble, de protéger la grande beauté sauvage du paysage où nous vivons.
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Le territoire me rappelle à lui, vers des connaissances qui nous échappent, des phénomènes qui nous dépassent, ses eaux précieuses et autres particules fuyantes.
Je rêve à de nouveaux chemins à tracer, que j’aime appeler les voies discrètes, tant elles sont empreintes d’humilité.
D’un égarement à un autre, je les entends murmurer à mes oreilles, des langages anciens, que j’essaie de capter tant bien que mal, des écritures primitives dont les empreintes me reviennent.
J’emprunte le sentier avec ses odeurs épicées. Le ruisseau s’est asséché. Je marche dans un lit de cailloux noirs et lustrés. Je marche dans des pas déjà mille fois empruntés, par ceux qui ont habité ce territoire et qui ont cherché à le protéger avant moi. J’en viens à leur ressembler.
Dieu merci ce lieu sauvage existe. Il me transforme.